Au cours des années 2007 à 2015, un cabinet d’avocats a fait réaliser de très importants travaux immobiliers sur un bien utilisé en partie à des fins résidentielles par le gérant, et en partie pour l’activité économique de l’assujetti.
Suite à la suppression, le 1er janvier 2014, de l’exemption générale pour les prestations des avocats, l’assujetti a procédé à une déduction partielle de la TVA qui n’était pas déductible au moment où l’exemption était encore d’application. Il a en d‘autres termes procédé à la déduction de la TVA historique. Pour déterminer le montant cette déduction, l’assujetti a, pour les travaux immobiliers réalisés, utilisés une période de révision de 15 ans. À tort selon l’administration fiscale qui, à la suite d’un contrôle, a limité la période de révision portant sur les travaux immobiliers à 5 ans et a ainsi rejeté une déduction de TVA historique pour un montant de 90 000 euros. Selon l’administration fiscale, les travaux immobiliers n’ont pas donné lieu à “l’érection d’un bâtiment”.
L’assujetti TVA estime que la réglementation belge en question est contraire à la directive TVA et à sa philosophie sous-jacente selon laquelle la révision TVA peut être soumise à une période plus longue lorsqu’il s’agit de biens immobiliers qui sont généralement utilisés et amortis sur une plus longue période et ont une durée de vie économique (nettement) plus longue.
Alors que la période de révision pour les biens d’investissement est en principe de cinq ans, l’article 9, §2, al.1 de l’A.R. n°3 stipule qu’elle est de 15 ans pour la TVA ayant grevé les biens d’investissement immobiliers. Le deuxième alinéa précise qu’on entend par TVA ayant grevé les biens d’investissement immobiliers :
Ce faisant, l’arrêté royal renvoie toujours à l’art. 1er, §9, 1° CTVA lequel définit la notion de bâtiment ou fraction de bâtiment comme toute construction incorporée au sol. Bien qu’aucune distinction ne soit faite dans ce texte selon qu’il s’agit ou non d’une nouvelle construction, la Cour de cassation a décidé (rôle n° F.19.0123.N/1 du 30.04.2021) que les opérations qui tendent ou concourent à la transformation ou à l’amélioration d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble sont soumises à un délai de révision de cinq ans. Les opérations qui tendent ou concourent à l’érection d’un bâtiment ou d’une faction de bâtiment sont soumises quant à elle au délai de révision de 15 ans. La Cour de Cassation a ainsi cassé l’arrêt de la Cour d’Appel (du 02.04.2019) dans lequel la cour a jugé que la différence entre une transformation et une nouvelle construction ne trouve aucun soutien dans la loi en ce qui concerne la détermination de la période de révision.
L’assujetti estime que ce point de vue est contraire aux dispositions de la directive TVA. L’article 187, 1, al. 1 et 2 de la Directive TVA introduit une période de révision de 5 ans. Le troisième alinéa permet aux États membres d’étendre la période de révision à un maximum de 20 ans pour les “biens d’investissement immobiliers”. Selon l’assujetti, le législateur européen entend par là des biens qui sont utilisés et amortis sur une plus longue période et qui ont une durée de vie économique (significativement) plus longue. En outre, ni l’article 187 ni l’article 189 de la directive TVA (qui permet aux États membres de définir la notion de “biens d’investissement” aux fins de la révision) ne font référence aux “bâtiments neufs”. Enfin, le principe de neutralité fiscale impliquerait que tous les biens d’investissement immobiliers ayant une durée de vie économique identique ou similaire bénéficient du même traitement en matière de TVA.
Selon la Cour d’Appel de Gand, il existe des doutes raisonnables quant à la conformité de la réglementation belge avec les dispositions susmentionnées de la Directive TVA. Elle a donc décidé de poser les questions préjudicielles suivantes à la CJUE :
Première question : Les articles 187 et 189 de la directive TVA s’opposent-ils à une règlementation selon laquelle la période de révision prolongée (de 15 ans) en cas de transformation d’un bâtiment existant n’est appliquée que si, après l’achèvement des travaux, il existe, sur la base des critères de droit interne, un “bâtiment neuf” au sens de l’article 12 de la directive TVA alors que la durée de vie économique d’un bâtiment entièrement rénové (qui, toutefois, sur la base des critères administratifs de droit interne, n’est pas considéré comme un “bâtiment neuf” au sens de l’article 12 précité) est identique à la durée de vie économique d’un bâtiment neuf, qui est nettement plus longue que la période de révision de cinq ans (les travaux effectués sont amortis sur une durée de 33 ans) ?
Deuxième question : un assujetti à la TVA peut-il invoquer directement la période de révision de 15 ans en vertu de l’article 187 de la directive TVA pour des travaux portant sur un bâtiment qui n’aboutissent pas à qualifier le bâtiment transformé de “bâtiment neuf” au sens de l’article 12 précité sur la base des critères de droit interne, mais dont la durée de vie économique est identique celle de bâtiments neufs auxquels une période de régularisation de 15 ans s’applique ?
Cour d’Appel de Gand, rôle n° 2020/AR/902, 28 juin 2022
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