Opérations triangulaires simplifiées – mention “Autoliquidation” obligatoire

Le 8 décembre 2022, la CJUE rendait son jugement dans l’affaire Luxury Trust Automobil (C-247/21) duquel il ressort que l’intermédiaire B dans une opération triangulaire (dite ABC) doit renseigner la mention « Autoliquidation » afin de pouvoir bénéficier du régime de simplification visés aux articles 42 et 141 de la Directive TVA.

Dans cette affaire (qui, précisons-le, se passe avant le BREXIT), Luxury Trust Automobil, B dans l’opération ABC, est un assujetti autrichien qui acquiert des véhicules de luxe à A aux Royaume-Uni pour les revendre à C, assujetti identifié à la TVA en République Tchèque. Les véhicules sont transportés directement de A au Royaume-Uni à C en Tchéquie.

B utilise alors la simplification triangulaire et indique sur sa facture “opération triangulaire intracommunautaire exonérée de TVA”. Les autorités autrichiennes refusent toutefois l’application de ce régime dérogatoire au motif que la mention « autoliquidation » est manquante. Elles réclament par conséquent la TVA autrichienne à B sur base du dispositif de sécurité.

La CJUE va suivre la position du fisc autrichien et ainsi conditionner l’application de la simplification au fait que l’acquéreur soit valablement désigné comme étant le redevable par la mention « Autoliquidation » sur la facture émise par l’acquéreur intermédiaire. Elle s’appuie pour ce faire sur l’article 226, 11bis de la Directive TVA qui prévoit au titre de mention sur facture obligatoire, la référence « Autoliquidation » lorsque l’acquéreur est redevable de la TVA. La simplification consistant en une mesure dérogatoire facultative, permettant à l’ acquéreur intermédiaire d’éviter de devoir satisfaire à des obligations d’identification et de déclaration à l’étranger, elle ne peut s’appliquer sans le respect de cette formalité qui vise à garantir que le destinataire final ait connaissance de son obligation d’acquitter la TVA en tant que redevable.  

Dans son arrêt, la CJUE conclut par ailleurs que l’omission de la mention « Autoliquidation » ne peut faire l’objet d’une rectification ultérieure  par l’ajout d’une indication complémentaire.

Cette position est désormais suivie par l’administration belge également. Dans sa circulaire 2023/C/50 publiée en date du 04.05.2023 (ie. circulaire qui vient compléter / ajuster la circulaire 2020/C/50), elle y précise en effet que la mention « autoliquidation » devient une condition matérielle à l’application de la simplification triangulaire, sans qu’une correction ultérieure ne puisse être acceptée.

Il est par conséquent primordial pour les sociétés concernées d’adapter leurs mentions sur facture en conséquence.

Rappelons encore que l’application de cette mesure dérogatoire est par ailleurs sujette à d’autres conditions, dont l’application peut par ailleurs varier d’Etat membre à Etat membre. Il ne peut donc qu’être fortement recommandé d’en vérifier la correcte application au préalable.

Extension de la tolérance pour les entrepreneurs déplaçant des matériaux de construction d’un ou à destination d’un autre État membre

Lorsqu’un assujetti à la TVA transfère des biens d’un État membre à un autre pour les besoins de son entreprise, le transfert est, en principe, assimilé :

  • à une livraison intracommunautaire (exemptée) réalisée à titre onéreux dans l’État membre de départ ;
  • à une acquisition intracommunautaire (taxée) réalisée à titre onéreux dans l’Etat membre d’arrivée.

Ceci implique en principe l’obligation pour l’assujetti d’être identifié à la TVA tant dans l’Etat membre de de départ que d’arrivée du transport.  

1/ Transfert de matériaux d’un autre État membre vers la Belgique dans le cadre d’un travail immobilier en Belgique

En 2011, l’administration fiscale a décidé qu’un entrepreneur étranger qui apporte des matériaux de son stock d’un autre État membre pour les utiliser dans le cadre d’un travail immobilier en Belgique puisse être dispensé de devoir s’identifier à la TVA en Belgique pour l’acquisition intracommunautaire réputée (article 25quater § 1 du code de la TVA) qui a lieu en Belgique (article 25quinquies § 2 du code de la TVA). Il en va de même, par analogie, pour le transfert réalisé au départ de la Belgique si l’entrepreneur étranger est amené à renvoyer dans l’État membre d’où il a apporté les biens excédentaires qui n’ont pas été finalement incorporés dans l’ouvrage de construction (décision n° E.T. 119.687 du 15.03.2011, remplacée par la circulaire 2020/C/50 du 02.04.2020, n° 5.4.8.9). Cette tolérance n’est applicable que si les conditions suivantes sont remplies :

  • les opérations effectuées par le redevable de la TVA et réalisées en Belgique consistent uniquement des travaux immobiliers (services) auxquels s’applique le mécanisme d’autoliquidation prévu à l’article 51, § 2, alinéa 1, 5° du CTVA;
  • la destination des marchandises (chantier de construction en Belgique) est connue au début de leur expédition ou de leur transport (transfert) ;
  • les biens sont effectivement incorporés dans l’ouvrage de construction auquel ils étaient destinés et l’excédent éventuel des biens transférés est repris par le redevable de la TVA dans son État membre d’origine ;
  • les conditions de l’exonération de l’article 39bis, 1er alinéa, 4° du CTVA (à l’exception de son inclusion dans le relevé intracommunautaire) sont remplies pour le transfert, par le redevable de la TVA, des biens excédentaires précités qu’il ramène dans l’Etat membre d’origine ;
  • le redevable de la TVA pourrait déduire intégralement la TVA due sur l’acquisition intracommunautaire en Belgique ;
  • les autorités fiscales de l’État membre à partir duquel les matériaux sont transportés ou expédiés et vers lequel tout excédent est renvoyé ne s’opposent pas à cette tolérance.

Introduction du nouveau régime OSS 1er juillet 2021

Suite à l’introduction de la nouvelle réglementation OSS à partir du 1er juillet 2021, un assujetti étranger qui effectue un travail immobilier en Belgique pour un client non assujetti à la TVA et établi dans l’UE, n’est plus obligé de s’enregistrer à la TVA en Belgique pour cette opération. Jusqu’à cette date, le redevable de la TVA était tenu de déclarer la TVA belge sur ces travaux immobiliers dans une déclaration TVA périodique en Belgique. A partir du 1er juillet 2021, il peut toutefois opter pour déclarer et payer cette TVA belge par le biais du régime OSS dans son propre État membre.

Dans ce cas également, le redevable est néanmoins susceptible d’emporter des matériaux du son stock de son Etat membre vers la Belgique afin de les incorporer dans le cadre des travaux immobiliers qu’il réalise. La tolérance susmentionnée ne peut cependant s’appliquer car la condition selon laquelle le client est redevable de la TVA sur la prestation (art. 51, §2, 5° CTVA) n’est pas rencontrée. 

Par conséquent, les autorités fiscales acceptent désormais que le redevable de la TVA puisse également bénéficier de la tolérance susmentionnée dans ce cas. La première condition est remplacée par la condition selon laquelle le redevable de la TVA n’ait pas d’autre raison de s’enregistrer à la TVA en Belgique que l’acquisition intracommunautaire réputée suite au transfert des biens en Belgique. Les autres conditions restent inchangées.

Le redevable étranger de la TVA peut combiner les deux tolérances précitées s’il effectue à la fois des travaux sur des biens immeubles en Belgique auxquels l’autoliquidation de l’article 51, § 2, 5° du Code de la TVA est applicable et des travaux sur des biens immeubles sur lesquels il est redevable de la TVA belge mais qu’il déclare et paie dans son Etat membre via le régime OSS.

Les tolérances ne sont jamais obligatoires ; le redevable de la TVA peut toujours choisir de s’identifier à la TVA en Belgique pour les acquisitions intracommunautaires qu’il y réalise.

2/ Transfert de matériaux de la Belgique vers un autre État membre dans le cadre d’un travail immobilier dans cet État membre

La nouveauté réside dans le fait que l’administration fiscale introduit une tolérance lorsqu’un assujetti à la TVA établi en Belgique emporte des matériaux de Belgique vers un autre Etat membre afin de les incorporer dans un ouvrage de construction, et qu’il effectue cet ouvrage de construction pour un client non assujetti à la TVA et établi dans l’UE, dans la mesure où l’Etat membre en question ne perçoit pas la taxe sur l’acquisition intracommunautaire.